La RDC de 2020, comme le Congo en 1960…

La RDC de 2020, comme le Congo en 1960…

La scène, le décor, les coulisses, les acteurs comme en 1960. Escarmouches, résidences surveillées, cliquetis des couteaux dans l’ombre…

Voici 60 ans, Lumumba, à la tête de la coalition majoritaire au parlement, s’effaçait en faveur de Kasa-Vubu, leader à l’aura plutôt étriquée qui devint le premier président de la République.

Peu de temps après, avec l’appui de certaines puissances extérieures, le fragile président de la République neutralisait presque sans coup férir le premier ministre (son ‘‘bienfaiteur’’)… qui va se cabrer jusqu’au sacrifice suprême, jusqu’à la mort. 60 ans plus tard, le scénario est presque le même : Joseph Kabila ayant raflé toutes les majorités (parlement, sénat, assemblées provinciales, gouvernement central), a installé sur le strapontin présidentiel Félix Tshisekedi, leader à l’aura érodée par un ‘‘mariage compromettant’’ avec la mouvance kabiliste qu’une bonne frange de la population congolaise avait presque réussi à mettre à la porte.

Voici Tshisekedi sur le fauteuil présidentiel, sans majorité propre, comme Kasa-Vubu hier. Un peu plus d’un an après son installation au Palais de la Nation, le ‘‘fragile’’ président de la République entreprend, avec l’appui – semble-t-il – des mêmes puissances extérieures que Kasa-Vubu, de neutraliser et d’abattre son allié (‘‘bienfaiteur’’) circonstanciel. Fin de la ressemblance  entre les deux scénarios qui s’écrivent à 60 ans de distance. Si Tshisekedi est président de la République, son adversaire – et néanmoins allié (pour combien de temps encore ?) – n’est autre que son prédécesseur ‘‘civilisé’’, J.K. La question que les observateurs se posaient, depuis des mois, devant l’attelage invraisemblable Fcc – Cach (ou Fcc – Udps), coalition d’intérêts inconvenants pour le moins, est celle-ci : « qui, diantre, franchira le premier le Rubicon ? »  

La réponse nous est arrivée (apparemment de façon brutale) avec l’embrasement de la rue et la colère de la base de l’Udps, vent debout contre la proposition de loi portée par les députés-fcc Minaku et Sakata concernant la justice.

A y regarder de près pourtant, cette initiative controversée des Kabilistes tendait à contrer la salve déclenchée par Tshisekedi, en amont, en procédant à une série de nominations de hauts magistrats, évinçant au passage quelques barons réputés proches de son prédécesseur. S’en était suivi le retentissant procès Kamerhe au cours et autour duquel des menaces à  fleurets mouchetés contre des bonzes de l’ancien régime – et même contre le premier d’entre eux – ont été entendues, alors même que Tshisekedi avait promis, en échange du pouvoir suprême, de ne pas aller fouiller les vieux dossiers…

Tout est donc en place pour un remake façon 2020 du drame de 1960 : le communiqué (vrai faux ou faux vrai) du premier ministre fcc Ilunga Ilunkamba, après l’interpellation pour le moins spectaculaire du vice-premier ministre, ministre de la justice et garde des sceaux, le fcc Célestin Tunda, n’a pas prononcé la révocation du président comme ce fut le cas avec le premier ministre Lumumba en 1960… mais on en est presqu’à la révocation du fameux deal qui a amené au pouvoir le fils Tshisekedi. Celui-ci avait promis – par ses lieutenants interposés – de dissoudre le parlement pour se construire une majorité confortable en convoquant des élections législatives.

Dans les circonstances présentes, ceci apparaît pourtant trop risqué. Il serait plus prudent, auparavant, de contrôler cette CENI faiseur de rois.

Tshisekedi s’y attèle en s’appuyant sur les églises de réveil membres de la société civile afin de contrer les églises traditionnelles plus radicales et plus difficiles à amadouer.

Il lui faut aussi gagner la bataille de l’opinion publique puisqu’on pourrait convoquer le souverain primaire, si la recherche d’une nouvelle majorité par le futur formateur  –  vraisemblablement transfuge du Fcc, suivez mon regard ! –  se soldait par un échec, ce qui est tout à fait possible.

Et dans l’opinion congolaise, le président Tshisekedi est à la peine du fait des circonstances qui ont entouré son arrivée au pouvoir, de son deal scandaleux avec Kabila, de son foireux programme des cent jours, de l’enrichissement ultra-rapide et plus que suspect de certains de ses proches, du tribalisme au sommet et de la violence de ses troupes de l’Udps nonobstant de belles paroles sur ‘‘l’état de droit’’ à instituer.

Alors, comment mettre la population de son côté ? La dramatisation de la fin du deal avec Kabila fait partie de la stratégie de Tshisekedi pour apparaître comme le défenseur de la démocratie : en somme, il s’agit de capitaliser, en un tour de passe-passe, ce qui apparaît aux yeux de l’opposition comme sa propre turpitude.

Deux paramètres peuvent compromettre l’offensive tshisekediste. D’abord la Grande Muette, l’armée, qu’on dit toujours aux ordres de l’ex président et infestée d’officiers et d’hommes de troupe rwandais.

La partie à livrer ici n’est pas une sinécure et un coup de force est vite arrivé (peut-être avec une sorte de Mobutu du XXIème siècle pour arrêter la cacophonie politicienne, qui sait ?).

In fine finum, il y a le vainqueur putatif des dernières élections, dépossédé de son bien, la coalition Lamuka.

Si elle a toujours une belle côte d’amour  au sein de la population, elle est relativement peu visible (elle laisse certainement pourrir la situation incendiaire dans la coalition au pouvoir pour tirer les marrons du feu !).

Cependant, on murmure que le locataire du palais de la Nation aurait dernièrement approché ses anciens amis Jean-Pierre et Moïse (les mêmes !) qui se font discrets depuis quelque temps alors que leur allié Adolphe est sur tous les fronts.

Décidément, on semble aujourd’hui à l’orée d’un chamboulement politique qui devrait solder les comptes d’une élection présidentielle et d’une passation de pouvoir finalement pas vraiment ‘‘civilisées’’ à y regarder de près. Les mêmes démons de 1960 semblent se mêler aux criailleries et aux gesticulations politiciennes d’aujourd’hui : tribalisme, populisme, appétence d’un pouvoir absolu, ingérence étrangère… Pourvu que Dieu nous garde des sanglants débordements d’hier.

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