Dans le retroviseur : Patrice-Emery Lumumba n’était qu’un soûlard

DANS LE RETROVISEUR : PATRICE-EMERY LUMUMBA N’ETAIT QU’UN SOÛLARD

L’indépendance comme une erreur fatale.

Eclats de voix malheureux à la face du Bwana Kitoko. Congo aux orties. 1947, Patrice-Emery Lumumba est à Brazzaville.

Ici, en Afrique Equatoriale Française, il n’y a pas l’apartheid de Léopoldville. Lumumba s’assoit à la table d’un bar et demande… un verre d’eau.

Il est servi par la patronne blanche, ce qui était tout à fait inimaginable de l’autre côté du fleuve. Très impressionné, Lumumba n’a pas pu terminer son verre d’eau et il est parti en pensant qu’un autre monde était possible pour son pays.

On l’entend souvent, de la bouche de ceux qui ne connaissent que peu l’histoire de l’indépendance du Congo-Kinshasa :

Lumumba n’était qu’un agitateur », « Lumumba a été emprisonné pour détournement », « Lumumba passait son temps dans les bars »

De fil en aiguille, ils trouvent là une justification de ce qu’ils appellent « cette erreur qu’était l’indépendance au 30 juin 1960 ».

Comme c’est facile de parler à l’emporte-pièce d’un combat que cet homme a pourtant porté avec acharnement, mais aussi avec intelligence, en seulement quatre années de « carrière » politique, avant d’être éliminé, lâchement assassiné, politiquement et physiquement !

Patrice Lumumba a été effectivement arrêté pour avoir détourné des fonds (126.000 francs exactement) à la Poste de Stanleyville. C’est en juillet 1956, de retour d’un voyage en Belgique, qu’il est cueilli à l’aéroport et emprisonné.

Mais c’est déjà un acte de bravoure dans les rangs des évolués congolais, pour s’opposer au racisme rampant des colons belges qui leur accordent complaisamment la qualité d’évolué et les obligent à avoir le standing de vie qui va avec, sans leur en donner les moyens.

C’est surtout un coup fourré pour freiner son ascension dans la communauté congolaise de Stanleyville et de Léopoldville.

Une fois en prison, une grande chaîne de solidarité de Congolais évolués va rassembler les fonds pour rembourser l’argent qui était demandé à Lumumba (preuve que la manœuvre du colon avait été percée à jour et que ses congénères ont confiance en lui!)

Lumumba était un self-made-man, car après un parcours scolaire cahoteux, dans un pays où les Noirs n’étaient formés que pour être des sous-fifres, il va se plonger dans la lecture des ouvrages politiques sur les grandes figures de l’époque et sur l’Afrique Equatoriale française.

Ce boulimique de la lecture va compléter ainsi une  formation scolaire qui s’est arrêté au certificat comme c’était généralement le cas au Congo-Belge, contrairement aux colonies françaises qui formaient, déjà à l’époque, des universitaires noirs. Lumumba est aussi en apprentissage dans les diverses associations dans lesquelles il milite activement.

Et après ses démêlés judiciaires à Stanleyville, Lumumba, acculé au chômage, vient tenter sa chance à Léopoldville.

En juillet 1957, quelques jours seulement après son arrivée dans la capitale, il est recruté par la Brasserie de Léo et du Bas-Congo pour remonter dans l’opinion l’image de marque de sa bière ‘‘Polar’’, étiquetée ‘‘bière des Blancs qui rend impuissant’’ (comme le note Aimé Césaire dans sa pièce « Une saison au Congo »).

Ce travail bien rémunéré est rondement mené par un Lumumba qui peut ainsi s’introduire dans tous les milieux : fan de la rumba, familier des miziki et des bars, homme-orchestre, tribun, il prend ainsi le pouls du peuple et apprend à le connaître au mieux et au plus près.

En quelques quatre années seulement, cet homme-là, Patrice-Emery Lumumba, est devenu le grand leader panafricaniste que nous connaissons, le dirigeant nationaliste redouté des grandes puissances occidentales et des colons belges qui vont comploter avec quelques félons congolais pour le mettre à mort. Mais il restera à jamais dans la mémoire du Congo et des Congolais.

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