On a appris, à l’issue d’un récent conseil des ministres, que le gouvernement – que dis-je, le chef de l’état ! – aurait l’intention de faire racheter par l’Etat la maison de Papa Wemba, mise en vente par sa veuve, dans le but d’en faire un musée national en l’honneur de l’artiste-musicien Shungu Wembadio, disparu voici quatre ans.  Si, à première vue, l’idée semble séduisante, elle apparaît bien vite, lorsqu’on y réfléchit, comme une fausse bonne idée.

Pire, elle se présente alors telle qu’elle est : une initiative qui fait apparaître, encore une fois, la culture congolaise comme le domaine de l’épidermique, de l’instinctif, de l’irrationnel.

On ne se tromperait pas en disant qu’encore une fois, la question de la protection du « patrimoine national » est maladroitement instrumentalisée par le politique.

Posons sans ambages les questions qui fâchent : pourquoi un musée national pour Papa Wemba et non pour Wendo Kolosoy, Joseph Kabasele Grand Kallé, Grand Maître Franco Lwambo Makiadi, Seigneur Rochereau Tabu Ley, Gérard Madiata, Abeti Masikini, Mpongo Love, Lutumba Simaro Masiya, etc., artistes émérites qui ont porté très haut le flambeau de la musique congolaise ?

Pourquoi un musée pour Papa Wemba uniquement, dans un pays qui a produit, outre les musiciens précités, des artistes talentueux tels Maître Liyolo Limbe Mpwanga, Roger Botembe, Norbert Mikanza Mobyem, André Lufwa, Kalend Yav, Nzundu Kikand’, Sylvain Katanga Mupey, Lomami Tchibamba, Maître Ngombe Baseko et tant d’autres encore ?

Pourquoi dans ce pays-là, la RDC, les décisions concernant la culture nationale doivent toujours être prises sur le registre de l’émotionnel, de l’irrationnel, du folklorique alors qu’il y a un tel patrimoine à valoriser et qui peut, en retour, mettre en valeur le pays lui-même ?

Pourquoi un musée national pour Papa Wemba du jour au lendemain, sans aucune perspective, dans l’improvisation la plus totale et non un musée de la musique congolaise moderne, un musée de la rumba congolaise au moment où quelques acteurs culturels congolais éclairés se battent, à mains nues, pour l’inscription de ladite rumba congolaise au patrimoine mondial de l’humanité !

En effet, si personne ne peut contester le talent de Papa Wemba, la musique congolaise moderne, la rumba congolaise a ses maîtres et seigneurs incontestables qu’on ne saurait occulter pour des raisons bassement vénales, épidermiques ou tribales.

Les rois de la rumba congolaise sont des monuments incontournables, indéboulonnables : Simaro, Rochereau, Abeti, Franco, Grand Kallé, Wendo, entre autres. Et donc, le musée à créer, à construire, ne peut pas être une résidence particulière (forcément étriquée au propre et au figuré).

Le musée national qui honorerait la culture congolaise est peut être  celui des artistes congolais méritants, sorte de panthéon où  seraient représentés, outre les grands musiciens disparus, les plasticiens, les hommes et femmes de théâtre, les écrivains dont les œuvres auraient marqué l’histoire.

L’autre idée, celle d’un musée de la Rumba congolaise, s’impose par elle-même comme édifiante et porteuse pour un pays comme le nôtre, bien connu pour la richesse de sa musique.

Qu’on se le dise, la culture n’est pas le domaine de l’irrationnel et du folklorique. On y retrouve des cerveaux qui peuvent alimenter avantageusement et positivement un débat global sur ce qu’il y a de mieux à réaliser dans ce secteur dynamique.

On est trop habitué à voir le gouvernement congolais enclin à se donner bonne conscience autour de la maladie ou de la mort de certains artistes alors que ce même gouvernement laisse totalement en friche et à la dérive le secteur de la création artistique et celui de l’entreprenariat culturel, nonobstant ses devoirs premiers.

Il est temps que ça change, car l’un de ces devoirs est de soutenir concrètement (et pas que dans des discours mielleux) les festivals, les expositions, les tournées, les créations de nombreux artistes qui sont une véritable richesse pour le pays.