Elections de 2023 : bataille rangée entre Fcc, Udps, Lamuka et Société civile…

Elections de 2023 : bataille rangée entre Fcc, Udps, Lamuka et Société civile…

Barbe en broussaille (il avait dit lui-même qu’il la gardait pour s’opposer à l’hostilité ambiante contre lui), Joseph Kabila revient dans une arène politique qu’il n’avait jamais quitté en réalité : comme « autorité morale » de la coalition politique majoritaire, il est en effet à la manœuvre par personne interposée (Tambwe Mwamba au sénat, Jeanine Mabunda au parlement et Ilunga Ilunkamba à la tête du gouvernement, sans compter les kabilistes du pouvoir judiciaire).

‘‘Sénateur à vie’’ (un titre qu’ailleurs d’autres anciens chefs d’Etat porte à titre honorifique, c’est-à-dire sans avoir à aller siéger à l’hémicycle), Joseph Kabila semble apparemment avoir décidé de reprendre la main et de livrer les grands combats à venir à visage découvert. La bataille pour les élections de 2023 semble déjà s’engager et tous les protagonistes sont dans les starting-blocks : face à lui, Joseph Kabila a un Félix Tshisekedi décidé à confirmer ce que les présidents d’Afrique noire francophone savent faire, quoiqu’il en coûte, ne jamais perdre une élection dont on est le principal organisateur…

D’où, toutes les bagarres autour de la présidence de la CENI, du mode de scrutin pour les prochaines élections – surtout la présidentielle – et donc sur l’envergure de la réforme électorale à mener au pas de course.

Une CENI sans les politiciens

Peu avant la rentrée parlementaire, la Société Civile a fait entendre sa voix. C’est ainsi que le CASC, Collectif d’actions de la société civile – plateforme composée de mouvements engagées pour la bonne gouvernance – a lancé son plaidoyer pour la réforme de la Céni avec une proposition-choc : l’interdiction aux politiques de siéger dans les instances de la Céni. L’argument est simple : s’il y a des politiciens actifs à la Ceni, on peut douter sérieusement qu’ils soient indépendants de leur formation politique.

Et comme la Ceni a pour rôle d’arbitrer la compétition entre les partis politiques, ses membres ne devraient appartenir à aucune des familles politiques en présence. Seuls les membres de la société civile pourraient avoir une place au sein de la Ceni ! Pour en arriver là, le CASC propose la convocation par le président Tshisekedi d’une concertation nationale souveraine qui pourra décider sur une nouvelle configuration de la Ceni. Mais il est clair qu’une telle démarche n’a pas beaucoup de chance d’aboutir : le consensus est une chose inatteignable comme on le sait, surtout pour une question aussi sensible que la Ceni.

Et puis, les politiciens – en ce compris Félix Tshisekedi – ne pourraient avaliser que ce qui sert leurs propres ambitions. Bien plus, la Société civile elle-même est divisée et majoritairement rangée derrière les politiques. La preuve : la désignation cafouilleuse de Ronsard Malonda au poste de président de la Ceni par les confessions religieuses.

L’Eglise Catholique : vigilance pour une élection juste

En parlant des confessions religieuses, l’Eglise catholique a, elle, donné son point de vue peu avant l’ouverture de la session parlementaire. Les évêques catholiques réunis au sein de la conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), tout en reconnaissant la nécessité d’une révision de la loi électorale, interpellent en même temps les députés et sénateurs afin qu’ils se mettent « réellement au service du peuple » en adoptant avec vigilance des lois justes qui puissent garantir la tenue d’élections impartiales.

La Cenco a exhorté par ailleurs les parlementaires à veiller pour que la majorité parlementaire kabiliste ne puisse pas abuser de sa supériorité numérique pour faire voter des lois qui feraient encore reculer la démocratie en RDC et feraient basculer le pays dans l’anarchie insurrectionnelle à l’issue des élections. Ainsi, le point de vue de la Cenco est clair : la révision de la loi électorale doit nécessairement cibler une dépolitisation de la Céni devenue essentielle pour la bonne marche des affaires du pays.

Mais là aussi, la question cruciale est: comment dépolitiser la Ceni lorsque des membres réputés de la Société Civile sont, en fait, manipulés par les familles et les hommes politiques. Nul n’ignore que les membres de différents bureaux et surtout les présidents successifs de la Ceni (de Malu Malu Apollinaire à Nangaa Yobeluo Corneille, en passant par Ngoyi Mulunda Daniel) ont toujours été au service de l’homme au pouvoir.

C’est pour cela que Kabila ne veut pas perdre effectivement l’imperium et que Tshisekedi, sans aucun soutien législatif et sans véritable autorité sur l’armée, veut avoir l’entièreté du pouvoir, du moins la partie qui lui permettrait de mettre Kabila hors d’état de nuire.

Le G13 demande un recadrage strict de la CENI

Là-dessus, dès la rentrée parlementaire, une proposition de réforme de la loi électorale a été déposée (jeudi 17 septembre) à l’Assemblée nationale : c’est le résultat des consultations plus ou moins controversées menées depuis fin juillet par 13 parlementaires ainsi que de personnalités issues de la société civile.

L’objectif avoué de ceux qui portent cette proposition de loi est de corriger les irrégularités constatées lors des élections contestées de 2018… qui ont amené au pouvoir Félix Tshisekedi en donnant toutes les majorités imaginables à Joseph Kabila et qui a provoqué une foule de recours et de désapprobations autour des sièges du parlement.

Le G13 propose notamment de supprimer le seuil de représentativité au niveau national (on sait que lors de précédents scrutins, des candidats ayant reçu le plus de voix ont été battus par des candidats parachutés par des partis ayant une assise nationale) ; les 13 demandent aussi qu’on interdise qu’un homme politique puisse présenter sa candidature à la fois à tous les niveaux et qu’il puisse se désister au profit de membres de sa famille préalablement désignés comme suppléants.

Concernant la publication des résultats, il est demandé une institutionnalisation de la sanction contre le président de la CENI et ceux qui interviennent dans la transmission et la centralisation des résultats en cas de refus de publier les résultats bureau par bureau : il doit être obligatoire d’afficher tous les résultats bureau par bureau sur le site de la CENI dans les dix jours qui suivent la tenue des élections, sous peine d’annulation pure et simple du scrutin.

Dans la proposition de loi du G13, il est demandé que les procès-verbaux soient impérativement remis aux témoins, mais aussi aux observateurs. Le recomptage des voix doit être obligatoire en cas de contestation.
Et l’opposition dans tout cela ?

Bien entendu, la coalition kabiliste voit d’un très mauvais œil toutes ces propositions : le Groupe des 13 est accusé tantôt d’être sous les ordres de Félix Tshisekedi, tantôt d’être au service de Lamuka. Et avec sa majorité au Sénat et au Parlement, le F.C.C. a des armes pour résister… et pour gagner de nouveau. Mais le front tshisekediste combattant va se battre.

D’autant plus que de l’autre côté, l’opposition sent et voit bien que les hommes au pouvoir ne sont pas dans leur meilleure forme et que beaucoup de choses sont en jeu avec cette rentrée parlementaire. Le président de Mouvement de Libération du Congo (MLC), Jean Pierre Bemba, appuie la proposition de loi, déposée jeudi à l’assemblée nationale par le G13 et le député Christophe Lutundula.

« Après avoir pris connaissance de leur proposition de réforme du système électoral, j’annonce mon soutien à cette initiative et mon appui à la proposition de loi », écrit Bemba sur son compte Twitter. Martin Fayulu qui, lui, a proposé un « plan de sortie de crise », voudrait bien que certaines de ses propositions soient prises en compte. Mais nul ne sait quelle peut être la marge de manœuvre de l’opposition pour peser sur les débats : elle pourrait être tentée de mouvementer les foules.

Décidément, les batailles au parlement, au sénat et dans la société congolaise s’annoncent terribles autour des élections à venir. Alors, oui, Joseph Kabila a raison de laisser repousser sa barbe poivre-sel.

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