Confidences du chauffeur du Ministre

Confidences du chauffeur du Ministre

« Covid-19 : Confidences de la femme du chauffeur du Ministre »

… Je reviens de loin, de très loin. C’est du moins ce que me confesse mon patron, le Ministre des Affaires Stratégiques et Tactiques (à prononcer avec respect…).

Je reviens de loin, de très loin : c’est aussi ce qu’affirme ma femme. Elle me raconte que cette nuit-là, torride, terrible, la fièvre soudain a électrisé tout mon corps.

Elle me dit n’avoir cru d’abord qu’à   une grippe de saison sèche. Non, jusqu’au jour où, parait-il, j’ai commencé à délirer et à faire des convulsions. Elle s’est dit : « malaria ! ».

Non, jusqu’au jour où je suis tombé évanoui. Elle s’est dit : « malaria et typhoïde », ce duo tropical et pathologique si ravageur à Kinshasa. Non, jusqu’au jour où je me suis mis à vomir, à vomir…

Vomissures verdâtres d’abord, puis rougeâtres.  Ensuite vert-rougeâtres, et en abondance.

Avec   comme conséquence, la décrépitude physique générale, genre sénilité précoce, brutale : avec jambes flageolantes comme tiges de roseaux, avec  ventre gonflé comme ballon de baudruche enceinte, avec cerveau en feu comme électrocuté, avec respiration soukoussée et en apnée.

De son côté, mon patron de Ministre, inquiet, et soupçonnant l’irrémédiable, a fait venir son médecin personnel à domicile chez moi, et en toute discrétion.

Entre parenthèses, le Ministre et le médecin n’ont jamais dit à personne de quoi je souffrais vraiment, même pas à ma femme. Secret médical, secret d’Etat !  Le secret n’a pas empêché que ça bruisse de rumeurs alarmantes à la Radio-trottoir du quartier : « Covid-19 ! Covid-19 ! » …

… Déprime de ma femme, parait-il. Au point qu’elle aurait sollicité les services sacro-saints de son pasteur. Elle me révèlera plus tard que ce pasteur, prophète visionnaire, aurait prédit que mon malaise n’était qu’ « un passage initiatique » ;

qu’après cette épreuve, je serais « appelé à de très hautes destinées politiques » ; que   « les premiers (en l’occurrence, chuuut ! mon Ministre)  seront les derniers, et que  « les derniers  ( chuut !   En l’occurrence le chauffeur du Ministre) seront les premiers » !

Heureusement je m’en suis tiré à bon compte, grâce essentiellement à des formules thérapeutiques tradipraticiennes : immersion à l’étouffé sous couverture épaisse, dans un seau de vapeurs surchauffées, et contenant des feuilles et des décoctions de citronnier malaxées.

Mais aussi potion buvable faite du mélange de sel sauvage en bicarbonate, avec huile de ricin, avec jus de kola et de gingembre…

… Mais ma mémoire est en lambeaux, et ne se souvient de rien. Ma femme me rappelle cependant, en toute discrétion et avec une pointe d’agacement, que pendant mes délires paludiques, il m’arrivait de réciter plusieurs noms de femmes, toutes inconnues d’elle.

Plus grave : entre deux délires, entre deux convulsions, un même prénom de femme serait revenu plus souvent, comme une invocation suppliante, comme une obsession presque libidineuse…

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