CHRONIQUE LITTÉRAIRE Confidences du chauffeur du ministre : » La rentrée des … casses »(YOKA Lye)

CHRONIQUE LITTÉRAIRE Confidences du chauffeur du ministre : » La rentrée des … casses »(YOKA Lye)

C’est pareil chaque année à la même période. Contraste entre d’une part l’hystérie lors des résultats des Examens d’État, avec des lauréats et des parents saupoudrés de fufu blanc, comme trophée du bac après tant de pistes d’obstacles ; et d’autre part, les préparatifs fébriles, angoissants de la rentrée des casses, pardon … des classes des niveaux primaire et secondaire. Pour le moment mon angoisse, c’est cette rentrée pour mon fils unique, candidat à la dernière année du secondaire, le bac.

Avant les grandes vacances, ce rejeton « sang-pour- sang » , candidat héritier, m,a amené un …cahier de charges volumineux: en plus de l’uniforme bleu-blanc réglementaire et des tenues de gymnastique ou des pantoufles à la mode, la liste comprend nombre de livres à louer et à acheter, de blocs- notes, de bics, de journaux de classe, de couvertures, etc. Ce n’est pas tout : frais d’assistance médicale, frais de motivation des professeurs exceptionnellement mobilisés en heures supplémentaires à l’accompagnement des élèves du bac.

Au secours! Je suis un homme mort, dix fois morts!… Au secours, Monsieur le gérant de notre nganda-bar, qui promet de soulager mes charges d’effets scolaires avec un prêt en « banque-Lambert « , c’est-à-dire avec intérêt (20% au bout d’un mois d’échéance ; 50% au bout de deux mois; 100% au bout de trois mois). Au secours, mon cher patron, Excellence mon ministre d’État des Questions Statistiques et Tactiques, qui me promet une avance sur mon salaire. Au secours, cher bailleur-propriétaire de parcelle qui m’a dérogé d’un mois de mon paiement de loyer, à siphonner sur la garantie locative. Au secours, cher révérend pasteur de ma chère (de ma … »chair ») épouse, qui prétend mettre à ma disposition une partie de sa soi-disante dîme. Au secours, « Agence-Bwakisa-Carte » (à la fois « ligablo-boutique  » et agence informelle de microcrédit au niveau de notre quartier d’en-bas), qui devrait m’avancer un petit rien…

Au total donc: je suis solvable d’un poids énorme de dettes de la part d’une série de créanciers impitoyables, même parmi mes proches (j’allais dire « surtout  » parmi mes proches…). Inutile de dire que ces dettes ne sont que des promesses (qui a dit que « la promesse est une dette »?). Or, justement jusqu’à présent, silence inquiétant des créanciers. Or, la rentrée des casses, pardon …des classes est programmée cette semaine-ci. Or, le directeur de l’école de mon fils a annoncé dans son discours de la fin de l’année passée que les enseignements sont gratuits. Or, le syndicat des enseignants a prétendu à la même occasion que bientôt la grille des barèmes salariaux « va exploser à la hausse. » Et d’ajouter : « Non pas encore, comme chez les Députés, mais avec une tension sensiblement réductible « .

Or, au moment où je m’abîme dans ce deuil de la rentrée des classes, voilà que débarquent du village deux neveux « sang-pour- sang « , accourus à Kinshasa chez moi, sur la promesse (et la dette) de la gratuité des enseignements…

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